1 - De quoi a rêvé Germaine Tillion en 1914 quand elle était enfant ?
“… [en 1914 ], très jeune pensionnaire esseulée d'un grand lycée, je fus abondamment nourrie d'homélies sur les dangers qui menaçaient Dieu et la Patrie. Inquiète pour eux, je me rassurais au sujet du Bon Dieu en me disant : "Puisqu'il est tout-puissant, il va s'en tirer, mais notre pauvre patrie elle n'a que nous…" Non sans suspicion, j'écoutais encore des histoires sur l'ogre et le loup mais je ne mettais plus en doute l'existence de deux monstres sans visage : l'Allemand et la Mort. La nuit, je rêvais de m'engager comme chien de guerre…” Voir "Fragments de vie" - p. 351
2 - Où se situent les Aurès ?
On Parle de la Région des Aurès qui est une région montagneuse de l'Est de l'Algérie située aux confins du Sahara et comportant l'un des deux plus hauts sommets du pays, le Mont Chélia (2 328m d'altitude)
3 - Dans quelles conditions Germaine Tillion a-t-elle dormi dans les hauts cols des Aurès dans les années 1930 ?
“… Mon organisation matérielle […] s'avéra minable. Ma tente, étroite, haute, lourde, fut arrachée plusieurs fois par les bourrasques, moi dessous ou plutôt ficelée dedans - car elle possédait un tapis de sol solidement cousu dont on ne se dépêtrait pas facilement. Pourvue d'une seule porte, donc sans possibilité de ventilation, et dépourvue de double toit, elle devenait insupportable pendant les huit mois de soleil intense. Pour comble, elle était si compliquée à monter que je m'en passais souvent en cours de déplacement et, dans les hauts cols de l'Aurès, il m'est arrivé de me réveiller sous une petite bâche et une haute couverture de neige, avec mon chien Sultan grelottant sur mes pieds…” Voir "Il était une fois l'ethnographie" – p. 108
4 - Sur quel ton a-t-elle osé répondre au tribunal Nazi qui l’avait condamnée à mort ?
“… Messieurs, j'ai été arrêtée le 13 août 1942, vous le savez, parce que je me trouvais dans une zone d'arrestation. Ne sachant encore au juste de quoi m'inculper et espérant que je pourrais suggérer moi-même une idée, on me mit trois mois environ à un régime spécial pour stimuler mon imagination. Malheureusement, ce régime acheva de m'abrutir et mon commissaire dut se rabattre sur son propre génie, qui enfanta [… ] cinq accusations[… ], dont quatre sont graves et une vraie…” Voir "Lettre au Tribunal allemand qui l'a condamnée à mort" – 3 janvier 1943 – cité dans "Fragments de vie" - p. 183
5 - Qu'a-t-elle écrit, entre autres, pendant sa détention au camp d'extermination de Ravensbrück ?
Les Trois !!! En plus de lettres, et de fausses recettes qui contenaient des informations cachées, elle a écrit une opérette qui caricaturait les nazis et le fonctionnement du camps où elle avait été déportée. “…J'ai écrit une opérette, une chose comique, parce que je pense que le rire, même dans les situations les plus tragiques, est un élément revivifiant. On peut rire jusqu'à la dernière minute,… (sourire) ” Voir film de David Unger "Germaine Tillion à Ravensbrück : "Le Verfügbar aux Enfers" (58 mn – 2008 – prod. Cinétévé)
6 - Quels "objets" clandestins remarquables a-t-elle participé à faire passer hors du camp de Ravensbrück ?
" … Le 23 avril 1945, les prisonnières NN [dont Germaine Tillion] furent comprises dans les libérations organisées par la Croix-Rouge suédoise grâce aux négociations du Comte Bernadotte [avec Himmler]. Les prisonnières partirent cette fois avec les vêtements qu'elles avaient sur elles. Il y eut naturellement avant le départ des séries de fouilles, mais désordonnées, car celles qui venaient d'être fouillées parvinrent à se passer de main en main ce que celles qui allaient l'être voulaient conserver. Deux "objets" clandestins plus remarquables que les autres échappèrent ainsi au contrôle : deux bébés français, les seuls survivants…" Voir "Ravensbrück" N°3 – coll. Point Seuil – p.32
7 - D'après Germaine Tillion, à quoi sert l'ethnographie ?
"… Si l'ethnologie, qui est affaire de patience, d'écoute, de courtoisie et de temps, peut encore servir à quelque chose, c'est à apprendre à vivre ensemble…"
8 - Qu'a inventé Germaine Tillion pendant la guerre d'Algérie pour remédier à l’extrême pauvreté des algériens ?
"… Il faut maintenant en Algérie une instruction primaire normale, débouchant sur n’importe quel enseignement supérieur. Autrement dit, il faut mettre l’enseignement algérien au niveau de l’enseignement français….. Autrement dit, je lui soumets les plans des Centres Sociaux. […] Ce qui est important dans les Centres Sociaux, c’est d’abord qu’il y avait un programme mais surtout, ce qui est tout aussi important qu’un programme, une équipe et cette équipe était constituée essentiellement par des instituteurs qui avaient enseigné assez longtemps dans le bled. .. Et ils avaient rêvé comme tous les instituteurs quand ils voyaient un gosse intelligent de le voir poursuivre des études complètes. De même, quand ils voyaient des gens crevant de faim, de leur donner les moyens de greffer leurs arbres… […] Première chose : instruction primaire pour les enfants ; deuxième chose : instruction de base pour les adultes. Et troisième chose, des soins médicaux pour les malades et des conseils pour ceux qui cherchent du travail…" Voir "L’ enfant de la rue et la dame du siècle" de Michel Reynaud – p. 234-235-237
9 - Quelle réforme a suscité Germaine Tillion dans les prisons ?
"… Dès mon retour , en 1945, je m'étais intéressée aux problèmes de la détention et, avant 1957, j'étais déjà visiteuse de prison. La question de l'enseignement m'intéressait particulièrement [… ] À l’époque de la guerre d’Algérie, j’ai fait partie du cabinet d’André Boulloche… Il est revenu de déportation, bon, il se retrouve ministre du général de Gaulle en 1958. Il accepta ma proposition d’organiser l’enseignement dans les prisons sous l’autorité de l’Education nationale. Je peux vous dire d’expérience qu’avant cette réforme, pour obtenir pour un prisonnier une ardoise et un morceau de craie, il fallait solliciter d’innombrables administrations, qui vous répondaient, au mieux six mois après, qu’elles n’en pouvaient mais. Aujourd’hui, et je dis que c’est beaucoup grâce à André Boulloche et au Garde des Sceaux Edmond Michelet et un peu grâce à moi, on peut passer un doctorat en prison. (À noter que nous étions trois déportés)…" Voir "Combats de Guerre et de Paix" - p. 59 et 197
10 - Pour Germaine Tillion, quelle est une des raisons du sous-développement de tout le sud de la Méditerranée ?
"… Quand je dis « éducation de la femme », cela veut dire une instruction de même niveau que celle de l’homme, autrement dit, pour les deux, le niveau le plus élevé possible. Et cela veut dire aussi que dans tous les pays on essaie d’atteindre le niveau le plus élevé possible. Sinon, vous maintenez des injustices effroyables dans chaque pays, et entre tous les pays… Je suis tout à fait convaincue qu’une des causes du sous-développement de tout le sud de la Méditerranée, c’est le statut de la femme…" Voir "Combats de Guerre et de Paix" - p. 57
11 - Quelle réponse impertinente a faite Germaine Tillion à une association britannique qui lutte contre l'esclavage ?
"… J’ai été présidente d’une société anti-esclavagiste et à ce titre j’ai été invitée à Londres par la plus ancienne des sociétés anti-esclavagistes, où j’ai rencontré des vieux messieurs qui auraient été tout à fait à leur place dans un roman d’Agatha Christie. Ils m’ont dit qu’ils ne pouvaient pas faire grand-chose, qu’ils n’avaient pas assez d’argent. Je leur ai répondu : surtout n’achetez pas des esclaves, cela ferait monter les prix ! Non, ce que vous pourriez faire, c’est lire à la radio des récits qui mettent les esclaves à l’honneur. Je leur ai transmis un texte latin qui racontait comment les sénateurs romains avaient libéré leurs esclaves pour disposer de combattants, et, suite à la défense de la ville, les belles dames avaient accepté d’épouser des esclaves. Or une histoire semblable avait eu lieu en Mauritanie…" Voir "Combats de Guerre et de Paix" - p. 61
12 - Que pensait Germaine Tillion au sujet des financiers ?
"… Un jour viendra où même les financiers comprendront que la seule richesse authentique d'un pays ce sont les hommes et les femmes qui sont dessus, dont chacun a une valeur personnelle. On peut tout réussir avec eux, mais, Dieu merci, rien contre eux. Rien en tout cas de solide et de durable…" Voir "Combats de Guerre et de Paix" – p.503
13 - Que pensait Germaine Tillion de l'être humain au soir de sa vie ?
"… Au terme de mon parcours je me rends compte combien l'homme est fragile et malléable. Rien n'est jamais acquis. Notre devoir de vigilance doit être absolu. Le mal peut revenir à tout moment, il couve partout et nous devons agir au moment où il est encore temps d'empêcher le pire…" Voir "Ravensbrück" – 1973